L'enjeu véritable du vote à venir: pouvoir de l'inculture, l'inculture au pouvoir

 


        Parmi toutes les séquences plus ou moins bouffonnes des chaînes de désinformation en continu qui, sans aucun contrôle de quelque organisme de gestion des temps de parole alloués à la droite et à la gauche en cette prétendue campagne des législatives (et pour cause, ce sont les animateur.trice.s de débat qui finalement transmettent le fond du message, à savoir: « votez à droite! Et absolument n’importe quoi sauf le front populaire. »), il en est une qui a vraiment retenu mon attention, parce que finalement elle pose très clairement l’enjeu de ce vote. 

Sarah Legrain députée LFI élue sur la 16e circonscription de Paris (élue dés le premier tour avec 56,51 % des voix) évoque le slogan bien connu de 1936: « plutôt Hitler que le front populaire. » Les deux journalistes réagissent immédiatement et l’un d’eux parle de « slogan de campagne ».

Ici, il faut marquer une pause, un temps d’arrêt parce que ce qui se passe est vraiment, vraiment HALLUCINANT. Il ne semble pas que les journalistes de BFM " comprennent et  réalisent qu’en fait cette incitation est d'abord celle qui a été soutenue en 1936, au moment de la montée au pouvoir d’Adolf Hitler. Ils disent que c’est un slogan de campagne de la France Insoumise, à quoi Sarah Legrain oscillant entre l’incrédulité et l’esprit de répartie appropriée questionne:

  • «  Vous avez un minimum de culture historique? »

Tout en haut: les Mc Fly et Carlito de LCI (palme de l'inculture journalistique)

            Tou.te.s les lycéen.nne.s ont nécessairement croisé ce slogan dans l’enseignement de cette période qui précède la seconde guerre mondiale en France. C’est dans le journal de droite « la solidarité » que l’on retrouve dans l’édition du 15 septembre 1936, ce passage: « Si c’est Franco qui a le dessus, nous voilà débarrassés du communisme à l’Ouest […] Nous le répétons, nous préférons vivre avec Hitler que mourir pour Staline ». Le slogan sera très vite repris par les futurs collaborationnistes et ministres du régime de Vichy, parmi lesquels Pierre Laval: « Plutôt Hitler que le front populaire. »


Devant l’ignorance stupéfiante des journalistes qui se révèlent incapables de situer cette phrase dans sa profondeur de champ historique:

 « - Mais alors cela veut dire que vous comparez Bardella à Hitler ? »


                


Sarah Legrain poursuit l’instruction des deux animateurs, en rappelant que le Front National dont le rassemblement national est l’hériter direct a été édifié par d’anciens Waffen SS: Pierre Bousquet (1919 - 1991) et Léon Gaultier (1915 - 1997). L’animateur n’est pas un élève facile:

  • Ah bon? C’est grave ce que vous dites…
  • Non, c’est factuel!


Juste un mot sur Sarah Legrain: elle a passé avec succès le concours de l’école normale supérieure (concours auquel Monsieur Macron a été recalé à deux reprises). Elle est professeur agrégée de lettres modernes et enseigne à Aulnay sous bois dans un lycée dont le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas réservé aux classes socialement favorisées.  Ce n’est même plus que le temps passé devant ce genre de médias concurrence les cours de lycée, c’est plutôt qu’il le contredit, que ce journaliste est en train de s’efforcer de substituer à la connaissance historique une déformation idéologique du passé. « C’est factuel »: Sarah Legrain a raison (le front national a été fondé par des Waffen SS) et tout ceci illustre exactement l’un des enjeux essentiels du prochain scrutin pour les législatives: 



« Souhaitez vous que l’histoire soit une matière que des enseignants pratiquent au collège et au lycée pour vos enfants? » Préférez vous une version nouvelle des programmes, concoctée dans un ministère de la propagande comme dans le livre de Georges Orwell « 1984 ». Plus largement encore: « est-ce que vous souhaitez que vos enfants soient cultivé.e.s, qu’ils et elles puissent situer dans toute la profondeur de champ historique, littéraire, philosophique requise les évènements de leur présent? Préférez vous qu’ils et elles les accueillent à partir de mots d'ordre fascisants,  de "communiqués" posant la seule et unique grille d'interprétation possible? Souhaitez vous qu’ils et elles acquièrent un sens sûr des pensées et des mouvements dont il convient d’avoir une honte légitime comme le racisme, le sexisme, l’homophobie? » Préférez vous qu’ils se complaisent dans la fange décomplexée très précisément formulée par Gilles Châtelet en ces termes choisis: « vivre et penser comme des porcs ». Souhaitez vous que ce soit des journalistes qui comme Laurence Ferrari ne connaissent pas le sens du terme « résiduel » qui fassent la leçon à vos enfants (Ben oui, "résiduel", ça ne veut pas dire "qui vient d'un résidu" mais "qui persiste en laissant une trace", et là c'était Monsieur Bompard qui s'était collé à la difficile tâche d'augmenter les pages du lexique de C-News)? Souhaitez vous que la pratique même de l’éducation soit remplacée par celle de l’endoctrinement idéologique ? Voulez-vous ou non DE LA CULTURE? Pensez vous encore qu’une personne qui réfléchit a moins de chances qu’une personne qui ne réfléchit pas de dire une énorme connerie? C’est simple et c’est ça la seule vraie question

Ils ont des chapeaux cons. Vivent les bretons!

Voilà un certain temps que l’affirmation de Patrick Le Lay, ancien PDG de TF1: « ce que nous vendons c’est du temps de cerveau disponible pour Coca Cola » a été reprise au vol par Bolloré pour devenir « du temps de cerveau disponible pour qu’une droite raciste, homophobe, climato-sceptique, suprémaciste et sexiste arrive au pouvoir en France » de telle sorte qu’aujourd’hui la question se pose à nous dans toute la brutalité de sa pertinence la plus crue. Est-ce qu’en moi toute honte d’être un con pourrait soudainement disparaître au profit d’une espèce de groin qui me pousserait sur le museau à la place du nez? Est ce que le monde qui m’entoure et les visages accueillants de toutes ces personnes que j’aime pour l’intelligence de leur écoute et de leur répartie peut s’annuler au profit d’un fumier nationaliste dans la mare duquel les animateur.trice.s de ces chaînes Bolloréennes finiraient de vomir leur catéchisme patriarcal, folklorique et Christianno-Bretonnisant  ? 

C’est ça la question qui va se poser dimanche. L’isoloir ne nous installe pas dans la solitude du choix mais dans le rapport à soi de l’ipséïté et là, pour le coup, il n’y a pas de question à se poser ou alors juste celle-là: est-ce que j’ai vraiment tué en moi toute honte d’être un.e con.ne?

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